le data journalisme, la naissance d’une pratique

Dans un monde que le numérique a rendu hyper-mnésique, nous sommes submergés par des flots d’informations. L’enrichissement et la prolifération des sources d’information (blogs, agrégateurs, médias pure-players, consommation simultanée de plusieurs médias, etc.) ont ouvert la porte à l’infobésité et à la mal-info.

De nouveaux besoins en découlent : besoin de filtres pour distiller l’information, besoin d’expertise pour faire jaillir du sens à partir des gros volumes de données. Parallèlement, la confiance envers les médias traditionnels s’érode, et le public souhaite se nourrir directement aux sources de l’information.

Le journalisme de données se cristallise à la rencontre de ces deux grandes tendances. Il consiste à collecter, trier, croiser, analyser, visualiser et scénariser de larges bases de données pour en extraire de l’information compréhensible par tous. Il crée une médiation visuelle, esthétique et cinétique pour faire entrer en résonance la complexité d’un monde inondé de données avec la compréhension du public. Le journalisme de données permet à la fois un accès direct aux données et une meilleure appropriation de ces données via de nouveaux modes de traitements et de visualisation.

Ce dernier consiste à exploiter des bases de données, pour en extraire de l’information intelligible et pertinente, présentée de façon attractive. Il vise à donner du sens à d’obscures séries statistiques, à faire émerger des histoires dans de longues séries de données éparses.

En cela, il s’inscrit pleinement dans la tradition journalistique consistant à aller chercher de l’information brute pour la présenter de manière adéquate au public. Seulement, il envisage différemment le rôle médiateur du journaliste. Le journalisme de données s’adresse d’abord à l’intelligence visuelle du public, et non à son intelligence verbale. Pour cela, il peut prendre la forme de bases de données enrichies, d’infographies interactives, de timelines et de cartes, d’applications interactives, Quels sont les enjeux à venir du Data Journalisme ?

L’enjeu principal est de mettre en œuvre une nouvelle manière de traiter l’information, pour cela, il faut passer par la formation.

Si les entreprises de presse sont très intéressées par le journalisme de données, elles ont une vraie difficulté à s’y mettre, car il est difficile à mettre en place dans les rédactions. Tout le challenge est donc dans la réussite de la mise en œuvre du journalisme de donnée.

En effet, la presse écrite à peu de marge d’investissement, c’est pourquoi il est difficile de recruter de nouveaux profils dans les rédactions. Aujourd’hui, seuls les journalistes y sont présents, les nouvelles compétences de l’exploitation des données y sont absentes. Le futur des rédactions se compose de développeurs, informaticiens, graphistes, web designer, statisticiens…

L’enjeu pour les entreprises de presse est de rentrer dans cette culture de l’innovation, en recomposant leurs rédactions pour innover, se mettre en mode d’expérimentation et de test pour réinventer le traitement de l’information afin de pallier la crise de la presse. La solution est l’innovation et pas uniquement dans le journalisme de données.

En effet, ces démarches d’innovations sont encore très peu répandues, peu de rédactions sont dans ce mouvement de réinvention.

Le journalisme de données répond aussi aux besoins grandissants de personnalisation de l’information. La délinéarisation, la fragmentation, voire l’individualisation, de la consommation d’information sont désormais caractéristiques des usages du Web. Pour y répondre, l’information à la carte s’impose. En bâtissant des interfaces graphiques pour accéder aux bases de données, le journalisme de données permet non seulement de proposer un aperçu de gros volumes de données, d’en faire jaillir le message essentiel, mais il offre aussi à l’usager la possibilité d’interroger n’importe quelle partie de cette base de données, de la rendre accessible et compréhensible instantanément : choix du zoom, délimitation de la zone géographique, sélection des dimensions comparées, personnalisation des critères de visualisation. Une application de journalisme de données peut alors répondre à toutes les attentes particulières des internautes.

Le journalisme de données s’est vraiment développé aux Etats-Unis à partir de 2007, avec des sites comme : TheyWorkForYou et GovTrack.us.

De nombreux sites américains d’information ont lancé des « data centers », espaces de publication en ligne de bases de données, avec des cartes interactives et des applications web hybrides (mashups).

Le succès de ces « data centers » de la presse locale américaine révèle une caractéristique du journalisme de données : il permet d’atteindre le micro-local, il autorise une granularité de l’information sans précédent. Les communautés de voisinage sont toujours intéressées par ces toute petites informations, qui ne valent pas la peine d’être mentionnées dans un journal local, mais qui peuvent répondre à la question « pourquoi la sirène a-t-elle sonné dans mon quartier ? ». Au niveau hyperlocal, le journalisme de données peut ainsi générer de la proximité entre les rédactions et les communautés d’habitants pour lesquelles elles travaillent.

L’importance du journalisme de données a été consacrée en 2007 par la Knight Foundation  une association américaine qui finance des projets liés au journalisme et aux médias, qui a attribué un prix de 1 100 000 $ au projet EveryBlock d’Adrian Holovaty. EveryBlock est un agrégateur de données micro-locales et urbaines. Lancé en 2007, il couvre aujourd’hui 16 villes aux Etats-Unis et attire chaque mois près de 200 000 visiteurs uniques, sans aucun travail éditorial. En avril 2009, le Politifact du St Petersburg Time a reçu un prix Pulitzer pour son projet de site de vérification des données énoncées par les hommes politiques dans leurs discours.

Les expériences anglo-saxonnes ont ainsi renforcé le besoin pour du journalisme de données pour exploiter les mines d’informations publiques.

L’opendata n’est pas la seule évolution sociale à lancer un défi au journalisme de données : au fur et à mesure que se banalise la collecte automatisée de données et numérisation, technologies de connexion à distances, se multiplient les données produites et stockées, d’où le besoin de modes de traitement de l’information susceptibles de synthétiser et de visualiser. Les enjeux du déluge informationnel débordent les préoccupations journalistiques pour devenir un thème d’exploration scientifique et artistique, à l’image des travaux de Manuel Lima, fondateur du site VisualComplexity.com.

Face à ces nouvelles opportunités, le journalisme de données génère aussi de nouveaux défis. Les données sont coûteuses à collecter, à exploiter et à visualiser car, pour cela, il est impératif de faire travailler ensemble des journalistes, des développeurs, des graphistes, des statisticiens, etc.

Il n’est pourtant pas impossible de rentabiliser cette nouvelle activité car ses succès d’audience et sa haute valeur ajoutée lui ouvrent les portefeuilles des annonceurs et des visiteurs.

 

 

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