Corpo Electrico de Marcelo Caetano

Brésil, 2017, 1h34

 

La petite vingtaine, Elias est assistant styliste dans un atelier de confection, à São Paulo. Il élabore les patrons qui serviront à découper dans 500 épaisseurs de tissu à la fois, pièces de robes et de chemises, qui seront assemblées en prêt-à-porter par une petite équipe d’ouvriers, hommes et femmes.

Malgré les heures supplémentaires et la répétitivité du travail à la chaîne, ce n’est pas le pire des bagnes. On arrive encore à composer, ensemble ou avec le chef d’équipe. On peut de temps en temps  prendre soin des autres et se ménager, par professionnalisme certes, mais pas seulement.

Car dans le ronflement continu des machines à coudre ou des ciseaux électriques, si personne ne crie jamais, personne ne peut véritablement se parler non plus. C’est cela qui manque et fait rêver d’autre chose.

Heureusement, jours fériés et solstice d’été du Nouvel An favorisent les soirées improvisées entre collègues, qui se prolongent en week-ends à la plage.

Elias papillonne sans drame entre nouveaux et anciens amants, amis, amours et aventures d’un soir ou d’une pause-déjeuner à la galerie marchande. Autant de prétextes à des rencontres intimes ou collectives, qui croisent les infinies variances sensuelles de l’humanité.

Se mêlent ainsi toutes les nuances des couleurs de peau, des classes sociales et des âges, et aussi des accents très différents d’une même langue, de Recife, Rio de Janeiro ou de Guinée-Bissau. Il y a surtout les hommes, les femmes, et il y a aussi les autres, qui sont entre les deux et les deux à la fois.

Il y a ceux ou celles qui jouent au foot autour d’un barbecue, et il y a celles ou ceux qui préfèrent les virées collectives queer ou full drag : scooter customisé LED, paupières et casque pailletés, perruque fluo et combi de vinyl lamé. Et l’un n’empêche pas l’autre : ce qui ailleurs pourrait séparer, ici bien au contraire séduit, attire, rassemble et réjouit.

Marcelo Caetano fait le portrait tout en douceur d’une société délicatement épicurienne, libre et métissée, où les rapports humains ne sont jamais bavards, mais toujours attentionnés à l’autre, à sa singularité comme à sa profondeur.

Le titre du film est inspiré d’un poème de Walt Whitman, « I sing the body electric » :

https://www.poetryfoundation.org/poems/45472/i-sing-the-body-electric

 

Paru dans le journal n°2 du lundi 27 novembre

Christophe Ottello

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