La Liberté de Guillaume Massart

France, 2017, 2h06

 

La brièveté du titre sonne comme un gong.

 

Des prisonniers sur l’île de Corse, dans la prison ouverte de Casabianda : 1778 km² , de terres arables qu’ils cultivent. Pas de barreaux, la mer comme frontière et un panneau qui informe : « fin de limite autorisée » Prison dorée, on entend le chant des cigales, le ciel est bleu. Ils sont nourris, blanchis et suivis psychologiquement pour ceux qui le souhaitent. Et pourtant ?

 

Le film dure  2h25. On comprend ultérieurement pourquoi, le réalisateur a pris le temps de laisser émerger la parole.

80% des prisonniers sont là pour agression sexuelle sur des mineur.e.s de moins de 15 ans.

« Le cadre est beau mais le tableau est pourri » dit l’un d’eux, qui ne veut pas être filmé.

 

Après ce film on ne pourra plus émettre de jugement à l’emporte-pièce, ne plus employer sans nuance les termes de victime, d’agresseur, de punition, de réinsertion, de suicide, d’amour, de pardon…

Tout est et sera dans l’écoute, la prise en considération de vies complexes, souvent éprouvées dès l’enfance.

 

La rhétorique binaire agresseur-victime, n’est pas le propos du réalisateur, pas plus que celui des deux principaux témoins qui ne nient pas avoir fait souffrir ceux ou celles qu’ils aimaient le plus. Ils se reconnaissent monstres dangereux. Mais un long travail d’introspection accompagné par des psychologues, un ou des ami.e.s  à l’extérieur, permet de répondre à ces questions : pourquoi ai-je été l’agresseur, qui suis-je aujourd’hui, qui serai-je être quand je serai libre ? Comment me construire des garde-fous ?  D’autres ne s’engagent pas dans une voie de restauration.

Pour deux d’entre eux, on entend et comprend, on voit et on sent que la parole se libère, se précise. Le caméraman  l’accompagne, sollicite parfois quelques précisions. Le temps pour que cette parole prenne corps est primordial.

 

« L’inceste, c’est un suicide. J’espère ne pas en sortir trop amoché » dit l’un. Il se reprend « qu’elles n’en sortent pas trop amochées.»

L’autre veut conjurer le manège de la PEUR qui nous prive de liberté, il croit que la victime et l’agresseur peuvent encore prétendre à une vie épanouie, peuvent  envisager le pardon : se pardonner et accorder le pardon.

« A 43 ans, j’ai encore des trucs à vivre et à partager ! »

 

Paru dans le journal n°4 du mercredi 29 novembre

Josiane Bataillard

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