Bêtes blondes de Alexia Walther et Maxime Matray

De l’aveu même de ses co-réalisateurs, il est ardu de résumer Bêtes Blondes. Car le film transpose minutieusement à l’écran un processus narratif aussi mystérieux qu’anodin : celui du rêve nocturne. Comme Freud l’analyse, et comme le Surréalisme s’en inspire, l’alchimie onirique – dont les cornues sont des procédés littéraires – transmute l’ordinaire en merveilleux.

 

Se construit alors un véritable cadavre exquis cinématographique, où tous les éléments sont familiers mais se condensent, se déplacent, se remplacent et se concatènent étrangement. Les bêtes, les hommes et les femmes se métamorphosent ; le désir et l’angoisse, les souvenirs et les sens sont tour à tour retrouvés et perdus… mort et vie s’imbriquent en un seul tout. C’est un maelstrom poétique, parfois inquiétant et souvent loufoque, toujours coloré et surprenant.

 

Lyrisme et burlesque, trivial et sublime sont unis étroitement par le montage. Dans la BO, Debussy réarrangé côtoie Tiny Tim. La parodie irrésistible de la pire sitcom française des années 90 se superpose aux citations des grands maîtres. De Buñuel, il y a les invertébrés de L’Âge d’or et la férocité du Fantôme de la liberté. De Pasolini, on reprend autant l’indépassable horreur de Salò que la truculence érotique du Décaméron, où la tête d’un bel amant est décapitée puis dérobée, à cause d’un amour plus fort que tout. De l’autre côté du miroir, on retrouve les deux reines en noir et blanc du jeu d’échecs, ainsi que le chat devisant… en triple exemplaire.

 

Pour le personnage principal, victime d’une carence physiologique – mais faut-il  croire ce qu’il dit ? – la mémoire de chaque instant est aussi fugitive qu’un rêve  s’évaporant au matin dans l’oubli. On découvre Fabien comme on le quitte, assoupi à la belle étoile. Tel Booz à la lisière de deux mondes… qui peut dire lequel serait réalité ?

 

Christophe Ottello

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