Dong A de Yeju Kwon
Dong Ha est une lycéenne un peu revêche, un peu rebelle, qui fait l’école buissonnière, parce qu’elle ne s’ intègre pas, parce qu’elle a des soucis chez elle, et surtout, parce qu’elle est amoureuse. Elle revient difficilement chaque fin de journée chez une mère célibataire, qui n’a que peu de temps à lui consacrer, empêtrée dans une vie précaire et laborieuse, avec de constants problèmes d’argent.
Dong Ha a des yeux inquisiteurs et rêveurs, elle a besoin de conquérir son amour fuyant. Cela commence avec une basket, le genre d’artefact « vintage » très onéreux, que chérissent les ados, en manque d’assurance et de prestige. Dong Ha se cherche, elle cherche le bonheur là où il n’est pas, elle cherche un absolu, et, malgré les mensonges et les désillusions, elle ne flanche pas. Dong Ha est un petit bout de femme. Enfin, presque femme, qui vous saisit au cœur, pour ne jamais le lâcher. Son univers intérieur est très dense et vertigineux, comme les lieux de ses aventures adolescentes. D’un square d’enfant à un love hôtel, il n’ y a qu’un pas, mais le jeu soudain, n’en est plus un. Comprenez, on n’est pas sérieux, quand on a 17 ans.
Dans ce portrait sensible, ce récit initiatique, la réalisatrice colle à son personnage et à ses rencontres avec une telle fougue et une telle justesse qu’on se sent lié à elle dés la première seconde. Il y a ce regard très vif, qui transmet énormément sur ce qui bouillonne à l’intérieur.
Il y a une évidence dans le cadre, un tel naturel, qu’une intimité très forte opère, et c’est plutôt sidérant dans ce format plutôt court.
Il y a beaucoup de précision dans les moments tendres, les gestes révélateurs, des plans d’insert très chargés de sens, et des fulgurances de maître dans les coupes et les ellipses. On se croirait devant le travail d’un auteur très mûr et pointilleux comme Hong Sang Soo. Maintenant, je fais juste un pont, pas de comparaison. Tout n’est pas brisé, entre la mère et la fille, on trouve des preuves discrètes d’une réelle tendresse, perdue au milieu de violentes disputes et du chaos de la vie quotidienne. Malgré leurs bassesses, les hommes ne sont pas stigmatisés dans ce portrait féminin, on croise un petit arnaqueur, qui saura montrer son coté noble au delà de son apparence crapuleuse.
Le caractère innocent et téméraire de la jeune femme a fait tomber le masque, et le ramène au temps, pas si lointain, de ses premiers amours. Il y a une certaine sagesse derrière la naïveté avec laquelle cette fille qui semble perdue et éperdue, se jette dans l’ incertitude, et l’impasse des sentiments feints avec une telle détermination, qu’ on finit par se douter qu’elle sait déjà, où elle met les pieds.
Avec la quête d’une paire de baskets, signe extérieur de richesse, objet de désir, objet d’amour, et de conquête, on passe par une multitude de sentiments contrariés, derrière ce visage de jeune femme, derrière les silences et les larmes, les illusions et les révélations, c’est une odyssée intérieure qui se produit sous nos yeux. Comme une boucle, l’histoire reprend exactement où elle a commencé.
P-H Schorr.