Film catastrophe de Paul Grivas
C’est l’histoire d’une croisière… Paquebot géant, ce Concordia. Il tient du vaisseau spatial et du palais oriental. Dîners de gala. Bars. Dancings. Piscines… et conférence sur l’origine de la géométrie. Mais c’est aussi un naufrage filmé sur le vif, par ceux qui en ont réchappé, filmé avec leurs téléphones portables, avec leur étonnement, leurs cris. Flash back : trois ans plus tôt, Godard, cigare entre les dents et bonnet sur le crâne, filmait, sur ce même Concordia, la première partie de son Film Socialisme, et ce tournage, Paul Grivas le filme… il filme Godard en train de filmer. Prises et re-prises, succession de mises en abyme, poupées russes : Godard filme Film socialisme, Paul Grivas filme Film catastrophe. Le cinéma est dans les petits détails : l’acteur doit-il se mettre ici ou se mettre là ? Qu’est-ce qui est mieux ? Ajustons le découpage des visages, les profils et filmons la mer, ses bleus, ses gris et le jaune de la cheminée et du grand cercle sur le pont. Le cinéaste se fait voyant par un dérèglement de tout ce à quoi l’oeil, qui est le grand organisateur du réel, est habitué. Le film s’ouvre et se ferme sur les images du naufrage, « des choses comme ça », images étrangement en écho avec celles du film de Godard, et qui finissent par s’interpénétrer, kaléidoscope de tout ce qu’on peut montrer, vite, vite, avant que le paquebot ne sombre…
Catherine Marle