Men with no name de Nuruzzaman Khan
Il y a déjà un certain temps qu’Humayun et Sayeem ont fui le Bangladesh pour atterrir à Lisbonne. Avant de les suivre caméra à l’épaule dans les rues et quelques intérieurs de leur quotidien, Nuruzzaman Khan a d’abord délicatement posé sa caméra dans un des rayonnages de l’épicerie exiguë dont ils tiennent la caisse à tour de rôle. Le montage fluide et rapide d’une succession de plans fixes, tous très courts, permet de faire sentir en peu de temps l’ampleur de la monotonie dans laquelle s’engluent les jours et les nuits. Entre les rues désertes et la promiscuité du galetas, les joies sont rares et fugaces. Saura-t-on encore séduire ou danser ? Un océan en vaut-il un autre ? Il n’est jamais certain que la famille restée au pays veuille répondre au téléphone une fois de plus. Entre lassitude, confiance et ressentiment, un compagnon d’infortune et pourtant dernière présence humaine assurée, parfois semble malgré lui un fardeau supplémentaire. Lorsque l’on on a tout quitté, mais qu’une bureaucratie paperassière et hostile ne permet jamais d’installer tout à fait sa vie ailleurs… à quelles bribes de solidarité se raccrocher ? Les accords aigres-doux des musiques qui filtrent à travers les écouteurs du smartphone soignent la nostalgie mais l’exacerbent aussi. Alors sans trop d’espoir, tenir quand même et rêver peut-être…
Christophe Ottello