C’est en partie grâce à l’émission Softpower « La culture et le numérique en prison » avec Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, que je suis amenée à m’interroger sur le rôle du numérique en prison.
Le numérique en prison est au centre des préoccupations actuelles puisque celui-ci permettrait un changement de mentalité. On ne veut pas punir les détenus mais leur permettre une réinsertion. Toutefois cette évolution semble encore très lointaine notamment par la faute d’une régulation difficile.
Réel progrès vers le numérique
Comme nous l’explique l’invitée, il y a eu un réel progrès depuis quelques années. En effet, la télévision est maintenant accessible en milieu carcéral, sous forme d’abonnement ou non selon le type d’établissements. Orange is the new black, série diffusée par Netflix nous confirme la présence du numérique en prison à travers certaines scènes, en exposant une détenue pleurant devant une série télévisée ou des détenus avec leurs téléphones.
Le numérique : interdit mais présent
La télévision n’est toutefois pas le seul média numérique présent : les téléphones, les jeux vidéo et les ordinateurs circulent facilement au sein des établissements, même ci ces derniers ne sont pas autorisés. Une grande quantité de portables sont tout de même passés ,non pas par les parloirs, très contrôlés, mais soit par des projections depuis l’extérieur de la prison au-dessus des murs, soit par les surveillants eux-mêmes. N’étant pas autorisés à se connecter à internet mais n’étant pas contrôlés, les détenus peuvent toutefois accéder à des sites à caractère problématiques mais aussi des sites favorisant leur future réinsertion comme les sites d’annonces pour les demandeurs d’emploi.
Periscope : le scandale en prison
Nous avons pu voir à travers le buzz de Periscope que le numérique est bel et bien présent en prison malgré l’interdiction. En effet, un détenu s’est filmé en prison afin de répondre aux questions des internautes. Son confort de vie en cellule a semblé interloquer la majorité des internautes. Nombreux sont les articles concernant ce sujet.
Un outil pour la réinsertion
Le Conseil national du numérique et Raphaël Liotier appellent à inscrire dans la loi un droit d’accès au numérique pour les détenus. En effet, comment accéder à la dématérialisation des démarches administratives quand on est en prison pour ensuite pouvoir se réinsérer ? Bien que des formations internet soient proposées, il persiste une fracture numérique dans les prisons, ce qui est un accélérateur de distorsion sociale.
Un rapport intitulé Internet en prison, État des lieux, enjeux et perspectives établi en 2012 par la Farapej (fédération généraliste pour la prison) et des étudiants de Sciences Po a permis de développer ces propositions et ces réflexions.
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La société étant désormais dans une politique de réinsertion, le numérique est au centre des préoccupations. En plus de faciliter la recherche d’emploi, cela permettrait également de réduire les risques d’isolation allant parfois jusqu’à créer des instabilités psychologiques. Le contrôle de ces pratiques resterait complexe mais un système de « cloud » pourrait être envisagé, technique déjà pratiquée par la Belgique.
Le centre de détention modèle de Beveren en Belgique
Le chemin vers la digitalisation des établissements pénitentiaires belges a bel et bien commencé. Il y a par exemple un ordinateur fixé au mur de chaque cellule. Les détenus ont également une clé USB personnelle, qu’ils peuvent brancher dans la petite unité centrale de la machine. C’est un Prison Cloud. Ils peuvent accéder à leur dossier en ligne, sans aller jusqu’au tribunal, passer des appels vidéo et ont même accès à une vidéothèque payante de 200 films. Les détenus peuvent également consulter quelques pages Internet, sélectionnées, pour les aider à préparer leur réinsertion mais ils n’ont pas été à l’abris de bug. C’est pourquoi, en attendant de régler le problème, le seul site accessible est celui de la bibliothèque.
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Une bibliothèque pour les prisonniers aux Etats-Unis
The American Prison Data Systems (APDS) a développé une bibliothèque numérique pour les prisonniers américains. C’est une grande première à effet bénéfique : la lecture permettrait de diminuer la violence dans les prisons. En effet, les bibliothèques de prison sont la plupart du temps trop petites et les livres qu’on peut y trouver sont souvent trop vieux ou proviennent de dons.
Pour l’APDS c’est un outil à la réinsertion. « Nous travaillons en partenariat avec les meilleurs fournisseurs de contenu pour nos programmes relatifs à l’éducation, la santé, mais créons nos propres outils pour résoudre des problèmes spécifiques dans certains établissements » explique Cindy Mclaughlin, de l’American Prison Data Systems.
L’APDS fournit également des tablettes Android connectées aux établissements correctionnels, afin de permettre aux prisonniers de recevoir des cours en ligne. Le programme est utile car les détenus peuvent définir les paramètres de texte (taille, contraste etc.) pour palier aux problèmes de chacun (vision, ou de dyslexie).
A quand cette innovation en France ?
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Le numérique, un outil d’apprentissage
L’enseignement universitaire en prison est un droit mais il apparaît comme un privilège auprès des détenus. Quel est la place du numérique dans cet apprentissage ? C’est la question que ce sont posé Lucie Alidières -Dumonceaud, Chantal Charnet et Olivier Scherer. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01277116/document
Le numérique, utile pour tous
Le numérique n’est pas seulement un outil pour les détenus mais aussi pour la surveillance de ces derniers. Tout d’abord, les surveillants peuvent observer les détenus sans être vus, ce qui raréfie les contacts entre ces deux catégories. Ensuite, un programme informatique a également été développé par un consortium de trois entreprises, les deux français Bull et Business & Decision, ainsi que le belge Real Dolmen pour référencer les données concernant chaque détenu. Enfin, comme l’explique l’article du RSLN mag, aux États-Unis, un algorithme a été mis en place afin de connaître le risque de récidive grâce à certains facteurs (entre 50 et 100 allant de son âge à son niveau d’éducation) et ainsi réduire les coûts des établissements correctionnels.
En conclusion, le numérique apporterait beaucoup à être légalement présent dans les prisons :
- Réinsertion des détenus plus facile
- Baisse du risque d’isolation des détenus
- Surveillance possible
- Numérique au service de l’autorité
Néanmoins la régulation est encore trop incertaine pour imaginer une arrivée du numérique en milieu carcéral d’ici quelques années.