Les jeux vidéo sont un objet culturel relativement récent qui ne s’est répandu qu’au fur et à mesure de l’évolution des progrès technologiques.
Aujourd’hui, l’industrie des jeux vidéo constitue le premier secteur économique dans la consommation culturelle. Cette progression ne s’est pas faite du jour au lendemain ; à travers l’ère numérique, l’industrie du jeu vidéo a su s’adapter et évoluer en même temps que les usages et la consommation des jeux.
Évolution de l’industrie des jeux vidéo à l’ère numérique
Avec ses nombreuses évolutions, le marché du jeu vidéo a subi de profonds changements impactant directement le marché de l’occasion et donc, le métier de revendeur de jeux vidéo. Comment l’évolution de cette industrie impacte les revendeurs de jeux ? Nous allons découvrir les différentes variables qui affectent l’industrie de la vente de jeux vidéo.
Expansion de la dématérialisation
Le secteur du jeu vidéo a longtemps profité d’un modèle économique exclusivement issu d’une organisation industrielle fondée sur la vente d’un support physique propriétaire (CD, cartouches…). Depuis Internet, des changements majeurs ont eu lieu sur la distribution des contenus, transformant ainsi les usages, le modèle économique, et même le mode de production des jeux.
La distribution digitale est désormais le moteur du marché du jeu vidéo. D’après une étude menée en France par l’Ifop (Institut français d’opinion publique), 90% des jeux sur PC sont distribués sous forme dématérialisée. Et la progression de ce marché n’est pas prête de s’arrêter : selon les prévisions de l’Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe), le marché du jeu vidéo dématérialisé devrait adopter un rythme de croissance de 17% en moyenne par an. Avec ces nouveaux usages, il est évident que la consommation des jeux via un support physique décélère.
Le piratage
On parle de piratage lorsque l’on utilise un jeu sans l’avoir acheté au préalable. Ce phénomène cause des pertes importantes de revenus pour les éditeurs. Cependant, il n’a pas assez d’impact sur le marché pour réellement inquiéter l’industrie, comme le prouve une étude de la London School of Economics and Political Science (LSE) et le graphique ci-dessous :
Au contraire, le rapport met en avant les bonnes performances de l’industrie du jeu vidéo qui a su « introduire de nouvelles méthodes pour générer des revenus […] en travaillant avec la culture participative en ligne et non contre elle ».
Croissance des sites de vente en ligne
En quelques années, Amazon est devenu un leader écrasant du e-commerce, suivi par plusieurs autres sites. En quelques clics, n’importe qui peut faire ses courses sur internet pour être livré le lendemain. Pour les jeux vidéo, il est même possible de précommander les nouveautés et les recevoir directement le jour de leur sortie dans notre boîte aux lettres. Ce sont d’autant plus de façons de se procurer des jeux sans passer par des boutiques physiques, venant grappiller des parts de marché aux vendeurs de jeux vidéo indépendants.
Nouvelles offres concernant le streaming de jeux vidéo
Nombreux sont les joueurs qui ont toujours rêvé d’avoir accès à une plateforme de jeux vidéo dédiée qui fournit un accès à un catalogue de jeu complet, en payant un abonnement mensuel. Ce rêve est en train de se concrétiser avec le développement de plusieurs offres de streaming du jeu vidéo (on parle de « Netflix du jeu vidéo ») avec des offres comme Ps Now, Geforce Now, Origin Access, Shadow, et plus récemment, Xbox Game Pass.
Le Xbox Game Pass propose une base de plus de 100 titres (comprenant des exclusivités) parus sur Xbox 360 et Xbox One, avec une formule évolutive, c’est-à-dire que des rajouts se feront avec le temps, y compris les dernières nouveautés dès le jour de leur sortie. Après avoir obtenu l’accès en payant un abonnement, il ne reste plus qu’à cliquer sur le jeu de son choix pour le télécharger et y jouer de manière illimitée pendant toute la durée de l’abonnement. Cette offre a d’ailleurs attisé la colère de certains revendeurs qui ont tout simplement décidé de boycotter Microsoft et de ne plus vendre leur console dans leur boutique.
“Pourquoi les gens achèteraient des jeux d’occasion à 12 ou 15 livres quand ils peuvent juste payer une bouchée de pain pour profiter d’un catalogue massif de jeux ?” – Stuart Benson, responsable de la boutique Extrem Gamez en Angleterre.
Interview d’un revendeur de jeux vidéo à Mulhouse
Expansion de la dématérialisation, des sites de vente en ligne, du piratage, et plus récemment l’arrivée des offres de streaming… Dans ce contexte, les revendeurs semblent être les grands perdants. Qu’en est-il réellement ? Nous avons réalisé une interview avec David Fichter, un revendeur de jeux vidéo du magasin Over Games à Mulhouse.
Questions par rapport au secteur.
1. Vous êtes gérant d’un magasin de jeux vidéo. Comment se passe la vente de jeu vidéo en boutique aujourd’hui pour vous ?
Pour l’instant, très bien encore. On n’a pas à se plaindre, on arrive à contrer l’effet du numérique sur le chiffre d’affaires en général par des goodies, ou par le système d’occasion ou d’échange qui nous permet encore de bien gérer la boutique. Après, il est vrai que l’on peut être, je ne dirais pas inquiet, mais réaliste vis-à-vis du marché numérique qui va prendre de plus en plus de place sur les magasins physiques. Il reste cependant une durée de vie, certes limitée, pour ce genre de boutique. La preuve avec la Fnac ou Micromania, qui restent actuellement les leaders en France au niveau vente de jeux, qui font de plus en plus de la vente d’occasion ou justement, de goodies, pour sortir de bons bénéfices.
2. L’arrivée d’offres de jeux en streaming a-t-elle un impact important sur votre activité ?
Pour l’instant pas encore. L’effet à la « Netflix » sur les vidéos n’est pas encore le même sur les jeux vidéo. Mais d’ici 5 à 10 ans, cette pratique va prendre énormément de place, il n’y aura peut-être même plus de marché numérique en soi, enfin au niveau téléchargement, car tout sera peut-être remplacé par de l’abonnement.
3. Que pensez-vous du Xbox Game Pass et de la colère des revendeurs qui boycottent Microsoft ?
De boycotter, je ne suis pas pour. Il faut toujours essayer de trouver des solutions, parce que les marchés sont sans cesse en évolution. Mais pour le client, ce n’est pas encore très intéressant pour le moment je trouve.
4. Que pensez-vous de l’expansion des ventes de jeux vidéo en ligne via des sites comme Amazon pour les supports physiques, ou Steam pour les jeux en dématérialisé ?
Cette expansion est tout à fait normale. Cependant, c’est assez étonnant au niveau PC que Steam prenne autant de parts de marché, mais qu’Amazon redistribue les cartes au marché solide par rapport aux boutiques, à leurs prix agressifs, quelques fois on pourrait penser, nous indépendant surtout, que ce n’est pas très clair au niveau de la concurrence.
5. L’expansion du piratage a-t-elle affecté votre métier, vos ventes ?
Non pas du tout. Curieusement, l’effet du piratage a amené beaucoup plus de nouveaux joueurs, surtout les gens à petites bourses. Le marché de la DS l’a prouvé, avec les cartes pirates qui ont gonflé le marché de manière exponentielle, de telle manière à ce que même Nintendo était content que ces cartouches sortent à un moment.
Questions par rapport à la boutique Over Games
6. Votre boutique Over Games est implantée à Mulhouse depuis plus de 15 ans. Comment vous êtes-vous adapté à cette évolution ?
En fait, nous, on a très vite fonctionné grâce au marché de l’occasion et grâce au bouche-à-oreille. Au fur et à mesure des années, on a bâti une bonne base de clientèle qui nous reste fidèle. On s’est bien adaptés, et comme dit, le marché des goodies prend énormément de place, que ce soit en boutique ou sur le chiffre d’affaires.
7. Et les jeux rétro dans tout ça ? Est-ce une solution pérenne pour les revendeurs ?
Oui et non, c’est plutôt des produits d’appels, car il y a tellement peu de disponibilités et de connaissances quant aux arrivages que ça reste du buzz. Il y a effectivement pas mal de bénéfice à se faire sur ce genre de produits, mais c’est tellement aléatoire qu’il ne faut pas tout miser dessus.
8. Finalement, quelles sont vos perspectives d’évolution ?
Pour l’instant, tenir le coup encore une bonne petite dizaine d’années ! Essayer de trouver des solutions pour avoir des meilleurs prix au niveau du marché solide et s’étendre à d’autres marchés peut être, hors goodies, mais quoi ? On y réfléchit encore !