Chapitre 3 histoire des humanités numériques

couv-pratiques-de-ledÉcrit et co-écrit par :

Michael EBERLE-SINATRA professeur associé au département d’Études anglaises de l’Université de Montréal.

Marcello VITALI-ROSATI adjoint de Littérature et culture numérique au Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal.

 

 

« Ce chapitre a pour ambition de retracer l’histoire du rapport complexe entre les sciences humaines et l’informatique qui a mené des premières expériences de recherche assistée par ordinateur, dans le domaine des sciences humaines (humanities computing), aux actuelles digital humanities, ou à un possible humanisme numérique. »


 

 

Sciences humaines et informatique

 
La question de la production, la structuration et la circulation du savoir dans la société fut l’une des premières préoccupations des Sciences Humaines & Sociales face aux possibilités de l’outil numérique. Les travaux de BUSH, NELSON & BERNERS‐LEE, ont contribués à un rapprochement entre les sciences humaines et le numérique.

Varnnevar BUSH ‐ As We May Think article, paru en 1945 dans le magazine Atlantic Monthly, dans lequel il prédit l’invention de l’hypertexte et décrit un système, appelé Memex, qui sert à l’organisation et à la création de liens entre contenus.
Ted NELSON ‐ l’hypertexte 1965 se traduit par la multi‐dimension, et multi‐direction de lecture, l’hypertexte a aussi une profondeur (les liens) qui permet plusieurs lectures différentes.
Tim BERNERS‐LEE ‐ Le world wide web 1990 a pour ambition initiale le partage sur un seul réseau de toutes les informations afin de faciliter la communication et les travaux des physiciens du CERN.

L’expression « humanités numériques » est une traduction de l’anglais digital humanities, cette expression renvoie à une vision globale des changements culturels déterminés par le numérique et dépasse le simple regard porté sur une technique comme modèle de production et de circulation du savoir.

Ce changement de relation entre outil scientifique et outil humaniste s’est décanté au travers de nombreuses avancées technologiques et théoriques. On notera trois grandes modifications d’usage du numérique par les sciences humaines :

  • L’Indexation des connaissances (literary and linguistic computing).

« La majorité de ces projets sont dédiés à une amélioration du processus mécanique de recherche et de la quantification de données […] »

  • Pratique informatisé de recherche par des communautés scientifique (humanities computing).

« La multiplication des centres de recherche et des programmes de formation universitaire au cours des années 1970 et 1980, détermine le passage du literary and linguistic computing aux humanities computing. »

  • Prise en compte de la révolution engendrée par le numérique (digital humanities).

« La naissance d’Internet et sa diffusion rapide au milieu des années 1990 […] modifie l’ensemble de nos pratiques au-delà de la communauté savante et, plus généralement, notre façon de voir le monde. »

 

 

Quelques moments clés :

De 1949 au début des années 1950 -L’Index Thomisticus est l’informatisation de l’œuvre de Thomas d’Aquin par Roberto BUSA.

Années 1960 et 1970 :Index des textes allemands médiévaux de Roy Wisbey, des poèmes de Matthew Arnold et W.B. Yeats par Stephen PARRISH.

1972 : Fondation de l’Association for Literary and Linguistic Computing en Angleterre.

1976 :Literary & Linguistic Computing est la première revue dédiée aux humanités numériques.

1978 : L’Association for Computers and the Humanities est une association qui promeut le développement des humanités numériques.

Fondé en 1986 au Canada, Consortium for Computers in the Humanities, est ensuite devenu la Société Canadienne pour les Humanités Numériques.

2004 publication du Com­panion to Digital Humanities, sous la direction de Susan Schreibman, Ray Siemens et John Unsworth


 

 

Un possible humanisme numérique

Milad DOUEIHI historien des religions, défini le changement culturel apporté par le numérique comme une « conversion » des humanités numériques vers un humanisme numérique. Similaire à une religion le numérique n’est pas seulement un outil qui relie les hommes (exemple : la bible qui relie les hommes à Dieu pour la religion catholique).

Le numérique serait donc une culture constitutive de la pensée des hommes et modifierait leurs façons d’être au monde et de représentation du monde (exemple : le bonheur, la liberté, la mort, le respect de la vie, le bien et le mal, etc. Qui sont des thèmes de l’enseignement religieux catholique).

« Grâce à ces analyses Milad Doueihi peut rendre compte de la nouvelle dimension de l’humain produite par les nouvelles technologies : de quelle manière elles modifient l’espace, le temps, les liens sociaux et, en général, la façon qu’à l’homme de se rapporter au monde. »1

De la même façon que les religions en général se sont développées par de multiples interprétations et courant de pensées, il y a aujourd’hui dans le monde numérique plusieurs pratiques et théories qui se sont développées PAR « à l’intérieur »1 & POUR « à l’extérieur »1 le numérique.

Aujourd’hui, l’informatique s’est démocratisé, bien plus qu’un outil d’aide à la recherche scientifique le numérique est devenu lui-même sujet de recherche. DOUEIHI nous propose donc une vision systémique qui englobe les théories et les pratiques du numérique, qui jusqu’alors étaient opposées l’une à l’autre par les Sciences Humaines.


 

 

Les enjeux pour l’édition

Cette nouvelle culture des humanités numériques de part les changements qu’elle opère dans les mécanismes de publication, d’accessibilité et de circulation des contenus, pose aussi la question d’une société qui dans « Le meilleur des mondes »  s’engage vers un « déterminisme technologique », un monde où nos pratiques et notre façon de penser pourraient finir par être déterminées par les outils.

« […] c’est l’ensemble de notre rapport au savoir qui est remis en question. »

« Dans ce contexte, les pratiques éditoriales assument un rôle fondamental. La structuration des contenus, leur organisation, la mise en place de dispositifs permettant leur validation et assurant leur visibilité ainsi que leur accessibilité sont les pratiques qui feront le web de demain et, par le fait même, le monde de demain. »

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