Le divorce des contenus et des réseaux : l’affaire Orange/TF1

L’accès aux services numériques constitue aujourd’hui un élément essentiel de la vie quotidienne. Aller sur internet, sur les réseaux sociaux, regarder la télévision en direct ou en Replay, sont devenus des gestes automatiques et quotidiens. Il paraît difficile de remettre cet accès rapide et automatique en question. Pourtant, on semble se diriger vers une modification du rapport utilisateurs/services numériques. Tout d’abord sur internet avec la remise en question par les États-Unis de la neutralité du net, mais aussi dans les autres domaines.

Les faits

En effet, TF1 semble vouloir changer l’accessibilité à ses services et n’hésite pas pour cela à entrer en conflit avec de nombreux opérateurs télécoms, notamment Orange. Le contrat de distribution entre les fournisseurs d’accès et les chaînes de télévisions est renouvelé régulièrement, et TF1 souhaite modifier celui qui le lie a Orange et à plusieurs autres opérateurs. Leur argument ? Les chaînes doivent supporter le coût des programmes et de la diffusion contrairement aux opérateurs, la Une veut donc augmenter ses tarifs. En échange d’une multiplication du prix par dix, TF1 propose un service premium qui comprend une diffusion en 4K, l’enregistrement des émissions et le retour au début de programmes pour toutes les chaînes du groupe (TF1, TMC, TFX, TF1 Série Films et LCI ). Tout ceci dans le but de créer « une offre ambitieuse, constituée de contenus uniques et de services qui modernisent la consommation ». Orange, et avant lui SFR, ont refuser de payer ce prix même si cela signifie bénéficier de ce service.

De son côté, Orange explique que ses clients représentent 25% de l’audience du groupe TF1 et qu’il participe donc activement aux revenus publicitaires liés à a diffusion. Ils estiment ne pas devoir payer plus cher pour diffuser car il s’agit d’un contrat gagnant-gagnant.

Si SFR a choisi de céder et de payer le prix demander, Orange ne souhaite pas faire de même. Pour montrer son désaccord et faire pression sur la chaîne, Orange a commencé par désactiver le replay des chaînes du groupe sur sa livebox. Le but était de montrer le poids représenté par ses clients et faire comprendre à TF1 qu’ils ont tout intérêt à ne pas perde ce contrat. N’obtenant aucune réaction, Orange a menacé de supprimer la diffusion des chaînes en direct et de ne plus faire de publicité sur les chaînes. Mais c’est finalement TF1 qui a déposé une requête pour en interrompre la diffusion. Ce n’est toutefois qu’une menace puisque aucune des deux entités ne souhaitent réellement mettre fin à leur collaboration. En effet, 38,4% des Français utilisent l’ADSL, le câble, le satellite ou la fibre pour regarder la télévision : TF1 ne peut se priver d’une part d’audience importante et gratuite, de même en coupant les chaînes du groupe, Orange risque de perdre des clients. Il s’agit de savoir lequel d’Orange ou de TF1 cédera.

Résolution de l’affaire 

Le 8 mars, dernier jour des négociations, les deux parties ont fini par trouver un accord. C’est le troisième opérateur à accepter les conditions de TF1, après SFR et Bouygues Télécom , même si les conditions ont étés modifiées. Orange accepte de payer pendant quatre ans pour un package comprenant les nouveaux services de TF1 (dont TF1 +1 et TMC+1 qui permettent de voir les mêmes programmes avec une heure de décalage) mais précise ne pas payer pour la diffusion des chaînes qui « elles, sont gratuites ».

Canal + et Free qui continue de refuser cet accord, espère qu’une loi viendra les conforter dans l’idée que la distribution des chaînes gratuites privées doit se faire sans discrimination.

Les enjeux soulevés : payer plus pour avoir plus ?

Ce conflit révèle un problème plus profond sur l’accessibilité aux services numériques. En proposant uniquement un service premium en échange d’une augmentation de ses tarifs, TF1 créé un accès à deux vitesses. Les utilisateurs dont les opérateurs ont accepter les termes du contrat pourront avoir accès aux chaînes du groupe, tandis que ceux qui auront d’autres opérateurs n’y auront pas accès. Cela aura deux conséquences : premièrement les opérateurs ayant acceptés le contrat n’auront d’autres choix que d’augmenter leurs propres tarifs pour absorber le coût de diffusion. Deuxièmement, cela risque de réduire les possibilités d’accès aux services numériques. Ceux qui auront les moyens de payer pour un opérateur premium avec un accès plus large aux services pourront regarder toutes les chaînes, tandis que d’autres ne pourront peut-être plus avoir accès à ces services. En effet, TF1 ne laisse pas le choix, soit on prend le service premium, soit on a plus accès aux chaînes du groupe. Il y aura donc une télévision à deux vitesses. De même que pour la neutralité du net, cela pose la question de l’accessibilité.

LIEB Emma, 14/03/18

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