Qu’est-ce que la réalité virtuelle ?

La réalité virtuelle (VR) est un ensemble de technologies qui semble être la représentation parfaite d’un effet de mode, qui nous traverse depuis quelques années et dont l’avenir est plus qu’incertain. En somme, une sorte d’accessoire. Pourtant la notion de réalité virtuelle existe depuis plusieurs décennies et les technologies l’ayant concrétisé risquent fort de modifier, de manière radicale, notre futur. Cet article se veut être une fiche de glossaire, traitant de l’expression « réalité virtuelle » et des enjeux que représente cette technologie pour l’industrie des médias et de la communication.

Conférence de presse Samsung’s Virtual Reality 2016
Conférence de presse Samsung’s Virtual Reality 2016

 

Étymologie, origine et explication de l’expression

 

Définir l’expression « réalité virtuelle » (à ne pas confondre avec « réalité augmentée ») est un exercice bien difficile, où les nombreuses propositions apportées par d’éminents intellectuels sont toutes ou presque sujettes à débat. Cela tient du fait que les deux mots composant l’expression, réalité et virtuel, relèvent à eux seuls d’innombrables discussions depuis plusieurs siècles. L’assemblage de ces deux termes forme en plus un oxymore (figure de style alliant des mots à la signification contradictoire).

Il est possible d’aborder la définition de la RV de manières très différentes, parfois purement philosophique, parfois purement technique. De plus cette expression contient deux mots eux-mêmes lourds de sens. Par souci de clarté et pour mieux comprendre les explications et problématiques à suivre, voici une proposition de définition simplifiée de « réalité virtuelle », répondant à l’usage actuel de l’expression : monde artificiel (semblable au monde réel ou non) généré par des méthodes informatiques dans lequel un utilisateur est plongé (grâce à des interfaces comme des casques) et où il peut interagir (par exemple de manière visuelle, olfactive ou spatiale).

Avant de détailler l’origine de cette expression, il est important d’étudier séparément les deux mots qui la composent.

  • « Réalité » (\ʁe.a.li.te\), est un nom féminin provenant du latin tardif « realitas », mot qui lui-même provient du latin tardif « realis », signifiant « réel ». Pour ce mot, le dictionnaire Larousse propose la définition suivante : « caractère de ce qui est réel, de ce qui existe effectivement ».
  • « Virtuel » (\viʁ.tɥɛl\), qui est un nom masculin qui tire ses origines du latin médiéval « virtualis », signifiant « qui n’est qu’en puissance ». Ce mot en latin tardif provient du latin archaïque « virtus» signifiant entre autres « vertu, force morale, valeur ». Le dictionnaire Larousse définit le mot ainsi : « qui n’est qu’en puissance, qu’en état de simple possibilité (par opposition à ce qui est en acte) ».

À l’origine ces deux termes n’étaient pas forcément contradictoires si l’on considère leurs définitions strictes (par exemple : une pensée abstraite, donc virtuelle, est bien réelle). Néanmoins, les mots et les langues évoluent avec les usages et les comportements : aujourd’hui « virtuel » est utilisé, de manière galvaudée, pour définir ce qui est numérique, digital, en opposition à ce qui serait matériel, réel.

Historiquement, l’expression provient du théoricien français Antonin Artaud, qui l’utilisa en 1938 dans son œuvre Le Théâtre et son double pour décrire l’art de la représentation théâtrale comme une réalité virtuelle. Le premier usage de l’expression dans son sens courant et actuel remonte à 1985, quand l’américain Jaron Zepel Lanier définit alors une représentation réaliste et immersive d’un environnement tridimensionnel en temps réel, en anglais « virtual reality ». Il est intéressant de noter qu’en anglais, « virtual » n’a pas tout à fait le même sens qu’en français. En effet, dans la langue de Shakespeare « virtual » peut signifier « pratiquement, quasi » et ce sens n’est pas associé à sa traduction dans la langue de Molière. On peut donc supposer que Jaron Zepek Lanier voulait évoquer une « quasi-réalité » en 1985 et non pas une « réalité virtuelle ». Cette nuance n’est probablement pas anodine, car une mauvaise compréhension de l’expression et des abus de langages successifs ont pu participer au détournement du mot « virtuel » et à la dichotomie faite avec le mot « réel », particulièrement en français.

Jaron Zepek Lanier
Jaron Zepek Lanier

Ce nouveau sens affublé au mot « virtuel » n’est pas sans conséquence et la nature contradictoire de l’expression dévoile quelques problématiques qui, même si elles n’impactent que peu le travail de communicant (domaine qui nous intéresse sur ce blog), sont bonnes à garder en mémoire :

  • Un monde dit virtuel n’est rien d’autre que le fruit de centaines de millions de calculs, d’impulsions électromagnétiques traversant des matériaux informatiques, ceci est donc tout à fait concret et bien réel.
  • Le simple fait d’évoquer et de considérer l’existence d’un univers virtuel le rend, selon certaines définitions, bien réel également.
  • Ce que nous considérons comme la réalité n’est rien d’autre qu’une succession de stimuli électrique interprétée par notre cerveau, chacun possède sa réalité et sa perception du monde qui l’entoure, d’après ce postulat il n’y a pas de différence entre le monde où nous vivons physiquement et un monde numérique.

Si ces notions et pistes de réflexion, ici vulgarisées à l’extrême, vous intéressent, une liste de fictions d’anticipation abordant le sujet sera présente en fin d’article.

 

Enjeux pour l’industrie des médias et de la communication

 

Si la réalité virtuelle suscite autant d’engouement, c’est probablement grâce au fait qu’elle soit la source de multiples scénarios d’évolutions dans des domaines très variés. Du divertissement à l’économie en passant par le transhumanisme, cette technologie pourra, selon certains, radicalement modifier les sociétés humaines. Étant donné l’étendue du sujet et la vocation de notre blog, nous ne ferons qu’aborder les enjeux de la RV pour l’industrie des médias et de la communication. Retournons donc à un sujet d’étude plus à notre portée technologique et temporelle.

En tant que canal, support et plateforme, la réalité virtuelle est une aubaine pour l’industrie des médias, mais il existe un grand écart entre son usage actuel et les possibilités imaginées par certains pour le futur. En ce début du XXIème siècle le RV est à chaque fois ou presque utilisé de manière expérimentale et démarquée. Un autre élément démarque plusieurs façons d’appréhender le sujet : le cas où l’utilisateur possède son propre matériel pour accéder à un univers virtuel (un casque et un ordinateur, ou encore un téléphone et un socle adapté) et le cas où l’utilisateur utilise le matériel mis à disposition par un tiers.

Dans le dernier cas évoqué, les coûts inhérents à cette technologie et son caractère méconnu auprès du grand public génère des usages communicationnels très particuliers. En général, la réalité virtuelle est utilisée pour appuyer d’autres médias, des événements et des campagnes de communication. En effet cette technologie se suffit encore difficilement à elle-même dans ce cadre institutionnel. Ainsi, des entreprises et d’autres types de structures mettent en place des ateliers de réalité virtuelle en parallèle d’autres supports de promotion. Pour illustrer ceci, voici des exemples concrets : un constructeur automobile peut, lors de salons, mettre en place du matériel RV pour permettre aux visiteurs d’entrer dans une voiture sans avoir à en utiliser une réelle ; une entreprise industrielle ou médicale peut avoir dans son hall d’entrée un casque RV pour permettre aux nouveaux arrivés d’avoir un aperçu du travail réalisé en ces lieux ; un distributeur de films peut mettre en place dans un lieu de diffusion ou un festival un système RV pour permettre aux visiteurs de regarder une bande-annonce interactive et engageante ; etc. Les utilisations de la réalité virtuelle sont déjà aujourd’hui très nombreuses de la part des entreprises, que ce soit pour la démonstration ou le storytelling, mais ces pratiques entre globalement toutes dans des démarches transmédias, où la RV ne fait qu’appuyer et enrichir d’autres médias.

Vient ensuite le cas où l’utilisateur possède son propre matériel de réalité virtuelle. Ici l’usage fait de ce média est radicalement différent de celui fait dans un cadre institutionnel. Dans un contexte privé, les terminaux de RV sont reliés à des machines déjà bien établies dans nos sociétés : l’ordinateur, le téléphone et les consoles de jeux. Les technologies de RV accessible par le grand public requièrent la puissance et le support d’autres machines, ce qui délègue (souvent inconsciemment) la réalité virtuelle au simple rang d’accessoire. Ceci se remarque particulièrement dans les mœurs et discours des possesseurs de RV : ils ne vont pas se divertir avec la réalité virtuelle, ils vont se divertir avec leurs ordinateurs ou leurs consoles, tout en utilisant en plus la réalité virtuelle. Cette technologie naissante doit donc encore s’affirmer et évoluer pour pouvoir s’offrir une place de choix dans les foyers. De plus, les différents modèles de casques actuellement sur le marché et les configurations techniques nécessaires sont d’une grande opacité auprès des utilisateurs néophytes en informatique. Si ce n’est actuellement pas un problème étant donné le public de niche que touche la RV, les communicants vont devoir bâtir de nouveaux messages et nouvelles techniques pour populariser ce type de terminal.

Personne jouant en réalité virtuelle
Personne jouant en réalité virtuelle

Pour finir, nous évoquions précédemment la différence flagrante entre l’usage de la RV aujourd’hui, et les aspirations des industrielles et communicant concernant le futur. Le scénario le plus probable quant à l’avenir de la réalité virtuelle est que celle-ci continue son évolution comme elle le fait déjà : en étant connu du grand public mais utilisé par un public très restreint. Jusqu’au jour où les avancés techniques rendent ce matériel accessible pour la majorité des foyers. Ce média pourra trouver sa place à côté des autres services de divertissement et même au sein de système de domotique ou de médication. Les possibilités sont extrêmement nombreuses et dans un futur très lointain la réalité virtuelle sera probablement le média principal utilisé par les masses. Car même si cette technologie s’essouffle de notre vivant dans nos sociétés, elle semble être l’écoulement logique de l’évolution des médias numériques et reviendra probablement sur le devant de la scène quand le monde aura lui aussi évolué.

 

Parce que l’auteur est un grand amateur de science-fiction et parce qu’il ne pouvait écrire un article sur la réalité virtuelle sans citer quelques œuvres, voici une courte liste de fictions traitant des problématiques évoquées à la fin de la première partie de cet article : Le Dieu venu du Centaure (Philip K. Dick, 1965) ; Matrix (Andy et Larry Wachowski, 1998) ; eXistenZ (David Cronenberg, 1999) ; Strange Days (Kathryn Bigelow, 1995) ; Ghost in the shell (Oshii, 1995).

 

Benjamin Lagoutte

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