Claire Scopsi, du Laboratoire Dicen-IDF du CNAM de Paris, expose les problèmes d’information auxquels nous sommes confrontés.
Ces problèmes sont aujourd’hui essentiellement liés aux Fake News, mais Claire Scopsi décide cependant de bien faire la part des choses et de ne pas se focaliser sur cette pratique. Elle met en avant le concept plus riche de post-vérité, et de la traiter dans le contexte, des faits du passé, c’est-à-dire de la mémoire. C’est-à-dire un principe qui tourne autour de la construction de la confiance aux informations dans le contexte des mémoires en ligne.
Longtemps la certitude de la vérité, comme elle le présente, a été attribuée aux historiens qui s’intéressent à l’épistémologie et ont toujours distingué la vérité (l’Histoire) de la mémoire. Avec l’exemple de la guerre de 1914-1918 mis en parallèle avec l’actuel accès ouvert à l’information par internet, il est possible aux professionnels du patrimoine mais aussi aux non professionnels de publier leurs propres récits en ligne. Les historiens tendent de se rapprocher au plus près de la vérité sur ce qui s’est passé.
Elle explique différents processus qui s’opèrent autour d’une information mais aussi de la manière dont elle est apportée par son auteur. Le lecteur jusqu’à présent a toujours eu à faire confiance en la parole des historiens, car ils appartiennent à la classe scientifique. C’est ce qu’explique Claire Scopsi avec le principe de l’autorité et de la vérité dans un premier temps. Les historiens doivent prouver les faits en produisant et analysant des textes. Avec l’accès libre à la donnée (Open Data), il est maintenant possible pour un non professionnel comme les pro amateurs d’accéder à des sources semblables à celles des historiens.
Dans cette conférence, Claire Scopsi explique aussi les principes de mensonge et d’erreur. Pour qu’on puisse parler de mensonge ou d’erreur, il faut que les faits concernés soient réfutables en menant un travail de comparaison et d’authentification. Or, on ne peut pas réfuter une information qui n’est ni fausse, ni vraie. En prenant l’exemple d’évènements marquants relatifs à la guerre 1939-1945, Claire Sopsi met en avant des pratiques d’information telles que la forgerie ou l’imposture qui ont pu être réfutées par un travail d’analyse diplomatique ou des vérifications de dates.Dans les contextes exceptionnels où l’émotion est vive et insupportable comme lors de l’écoute des témoignages de la Shoah, il est plus difficile de prendre du recul, et d’exercer une analyse critique.
La rumeur a l’aspect d’une information qui est fausse, mais qui circule car elle n’a pas encore été réfutée. Toutefois, une fois désamorcée, elle cesse de circuler. Le tout vient de la première personne capable de réfuter la rumeur. Le danger est plus lorsqu’une information soit invérifiable et irréfutable.
Dans le concept de post-truth (post-vérité), on ne parle pas de vrai ou de faux, ce n’est pas exactement la même chose que les fake news. On regarde l’influence, l’émotion et la croyance portées par une information. Il ne s’agit plus de faire attention au contenu mais de voir l’effet sur le récepteur. De nombreuses affirmation publiques, ne sont ainsi ni vraies, ni fausses, ne sont pas vérifiables ou sont trop compliquées ou trop nombreuses à vérifier. Elles circulent sans être attestées (comme les rumeurs), et produisent des effets sur le public (enthousiasme, colère, peur, angoisse…).
Il ne s’agit donc pas de simplement réfuter une information pour en connaître la nature exacte. Il faut prendre en compte trois moteurs :
- La textualisation (les procédés de narration et de persuasion)
- La documentarisation / l’éditorialisation (procédés qui structurent les contenus sur les supports)
- L’auctorialisation (la figure de l’auteur et l’identification de celui-ci sur les documents)
Claire Scopsi termine sur les questions essentielles à la construction de la confiance : quel est le statut de l’auteur? Quelle est la part de récit dans son œuvre ? Et que cherche-t-il à nous faire faire ?