Pour cette première conférence plénière de la journée, Vincent Bullich de l’université de Grenoble-Alpes nous propose une présentation sur la « modélisation » des plateformes numériques et la présentation d’une étude qu’il a pu effectuer il y a quelques années, où il s’est intéressé à ce que fait une plateforme et non plus ce qu’est une plateforme.
En présentant un plan très détaillé, l’intervenant nous qualifie la notion de plateforme par des définitions et des mises en situations très précises, en s’appuyant plus précisément sur une analyse des plateformes sous l’angle des sciences de l’information et de la communication.
Vincent Bullich a introduit son intervention en faisant une observation importante : il y a eu plus de 6000 articles consacrés au phénomène des plateformes durant les 10 dernières années.
On apprend que les groupes comme les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et les NATU (Netflix, AirBnB, Tesla, Uber) sont majoritairement liées à l’idée de plateforme.
Une question est mise en valeur : pourquoi faudrait-il adopter une définition positive du terme de plateforme ?
Les enjeux d’une telle définition sont doubles selon Vincent Bullich. Des enjeux juridiques d’abord, où il se réfère à l’intervention de Karine Favro, et des enjeux scientifiques, où là il se réfère à la mutation des processus de communication à partir du moment où ils sont numériques.
Pour penser la plateforme, Vincent Bullich a cherché à se faire un « modèle pur », créé à partir de plateformes déjà existantes et déjà qualifiées comme telles, qu’il a cherché à coller à tous types de supports, en guise de gabarit, pour pouvoir déterminer ce qu’est plateforme et ce qui ne l’est pas.
Dans une deuxième partie, Vincent Bullich a donc cherché à caractériser un modèle de la plateforme en science de l’information et de la communication.
Cette étude a été faite en « regards croisés » entre les sciences de gestions et celle de l’information et la communication. Il a traite des plateformes numériques de médiation de contenus : c’est selon lui un modèle stratégique caractérisé par une architecture et un mode spécifique de valorisation des activités.
La plateforme met en place des modes de régulation : il faut coordonner tous les versants de marché de la plateforme.
Elle utilise des espaces d’énonciations, comme les blogs dédiés, les Conditions générales d’utilisations, les messages personnalisés ou encore des design sémio-techniques pour donner de la vie à a plateforme.
On trouve aussi des plateformes qui résultent de de procédure d’accompagnements personnalisées, comme Youtube par exemple, qui invite souvent des créateurs de contenus (« youtubeurs ») dans leurs bureaux pour les aider à faire mieux, afin d’avoir à terme un meilleur contenu sur leur plateforme.
Du point de vue des sciences de l’information et de la communication, la plateforme est avant tout un dispositif qui enregistre plus qu’elle ne diffuse : elle a une fonction décisive de captation et de stockage.
Dans notre ère numérique, on parle beaucoup du traitement de nos données personnelles, et ici Vincent Bullich se réfère à une expression empruntée à d’autres scientifiques : les données personnelles sont « le trésor de guerre » des plateformes. Il entend par là que ce des plateformes collectent vos données, mais ne les laissent pas dans la nature : elles les gardent bien au chaud, comme un trésor, et s’en serviront dans des buts précis.
Dans une dernière grande partie, Vincent Bullich nous présente un élément clé : il y a trois critères discriminants qui font que les plateformes ne fonctionnent pas comme n’importe quel service.
D’abord, il n’y a pas d’activité d’édition propre, mais plutôt une activité d’éditorialisation, d’indexation, de qualification et de contrôle de la circulation des produits édités par d’autres acteurs. Initialement, les plateformes ne produisaient pas directement : cependant il met aussi en avant le fait que, depuis peu, des plateformes comme Netflix se lance dans la production avec les « programmes originaux Netflix » par exemple.
Ensuite, l’activité d’une plateforme ne consiste pas à l’achat puis à la revente de contenu : c’est les fournisseurs de contenus eux-mêmes qui apportent leur contenu sur la plateforme, sans transactions monétaires au préalable.
Enfin, la finalité de la plateforme ne réside pas dans la capacité à prélever un bénéfice direct sur les transactions qu’elle autorise : elle a comme force économique le fait que, qu’on le veuille ou non, on dépose des données sur cette plateforme.
Pour conclure, Vincent Bullich nous explique donc que la plateforme est porteuse de « régimes d’écritures », et c’est là que, selon lui, il faut se focaliser sur ce que l’on nomme « contenu ». Les plateformes sont donc en train de cadrer les façons d’écrire.
L’intervention de M. Bullich s’est terminée par un débat avec Karine Favro et l’auditoire.